Une croissance atone portée par la consommation privée
Même si l’économie italienne peine à retrouver de l’élan, car confrontée à une industrie manufacturière enrayée, elle devrait quand même se redresser timidement en 2025. Sa croissance sera principalement tirée par la consommation des ménages qui tirera parti du renforcement du marché du travail dont le taux de chômage est passé en dessous de 6% à la fin de 2024 pour la première fois depuis 2007. La prolongation des réductions des cotisations sociales et de l’impôt sur le revenu prévu dans le Budget 2025 de l’Etat continuera à soutenir le pouvoir d’achat des travailleurs à faible et moyen revenu. Il continuera aussi à se redresser grâce à l’inflation modérée et aux salaires dynamiques qui ont déjà permis une amélioration de leur revenu disponible réel en 2024. La forte hausse du taux d’épargne des ménages depuis fin 2023, s’établissant à 12% du revenu disponible au Q3 2024 (vs 11% en moyenne entre 2015 et 2019), devrait progressivement se normaliser et soutenir leurs dépenses. D’autre part, l’investissement devrait connaître une croissance marginale en 2025 en raison du retrait progressif du généreux Superbonus (subventions introduites en 2020 pour la rénovation des bâtiments afin d’améliorer leur efficacité énergétique) qui continuera de fortement pénaliser l’investissement dans la construction résidentielle. Ce déclin l’emportera sur les meilleures perspectives dans la construction non résidentielle qui devrait bénéficier des ressources du Plan de relance nationale et de conditions de prêt bancaire plus favorables. L’investissement pourrait en effet jouir de l’accélération des décaissements des fonds européens si le gouvernement parvient à les mettre en œuvre efficacement.
Par ailleurs, la demande extérieure reprendra progressivement mais sera compensée par une hausse significative des importations en raison de la reprise de la demande intérieure. Les exportations de services devraient rester dynamiques, grâce notamment à une demande touristique qui conserve sa tendance positive, bien qu’à un rythme bien inférieur à celui des années précédentes. Lors des onze premiers mois de 2024, les arrivées internationales dans les hébergements touristiques enregistrent une progression annuelle d’environ 1%, alors qu’elle était de plus de 30% en 2023 par rapport à 2022. L’économie italienne sera toujours exposée à la demande et reprise fragile de ses voisins européens, alors que plus de 55% de ses exportations de biens sont à destination du reste de l’UE. De plus, les Etats-Unis représentent son premier excédent commercial et son deuxième marché d’exportation après l’Allemagne. L’l’industrie manufacturière italienne (représentant près de 15% du PIB) serait alors significativement exposée en cas de mise en place de tarifs douaniers par la nouvelle administration Trump. Cela concerne plus particulièrement les machines et autres biens d’équipement, notamment électriques, les produits pharmaceutiques, la construction navale, et l’automobile, qui représentent ensemble plus de la moitié des exportations vers les Etats-Unis.
Fragile consolidation budgétaire
Alors que l’Italie a le second ratio d’endettement public le plus élevé d'Europe après la Grèce, elle doit d’autant plus faire face aux défis budgétaires depuis qu’elle a été mise sous procédure de déficit excessif à l’été 2024 par la Commission Européenne. Contrairement à la Grèce, où la dette est largement détenue par des créanciers publics, la majorité de la dette italienne (70%) est détenue par les résidents, dont un quart par la Banque d’Italie. Malgré cela, le plan budgétaire approuvé par le Sénat à la fin de l’année 2024, prévoit une baisse du déficit moindre qu’avec un scénario à politique inchangée. Et pour cause, celui-ci prévoit un stimulus d’une valeur totale de 30 milliards d’euros en 2025. Plus de la moitié de ce montant sera destiné à financer la fusion permanente des deux premières tranches de l’impôt sur le revenu (IRPEF) et la réduction du coin fiscal pour les ménages avec un revenu allant jusqu’à 40 000€ par an, afin de soutenir leur pouvoir d’achat et stimuler leur consommation pour encaisser davantage de recettes en contrepartie. Ces recettes supplémentaires reposent néanmoins sur des perspectives conjoncturelles plus optimistes de la part du gouvernement qui prévoit 1,2% de croissance en 2025 après 1% en 2024. Par ailleurs, il espère aussi financer ces mesures par le non-renouvellement de l’allègement fiscal pour l’emploi dans le sud de l’Italie (4,7 milliards d’euros en moyenne par an), la révision des dépenses de l’administration (3,9 milliards d’euros), le report du crédit d’impôt pour les banques (3 milliards d’euros en 2025) et la modification des modalités de paiement du droit de timbre des compagnies d’assurances nationales (970 millions d’euros en 2025). De plus, l’assainissement budgétaire découlera aussi de la baisse des primes à la rénovation du Superbonus. Cependant, malgré le retrait progressif de cette incitation, celles-ci resteront un fardeau pour les finances publiques au cours des prochaines années puisque les crédits d’impôt accordés depuis 2024 doivent être réclamés à parts égales sur dix ans.
Bien que la situation se soit améliorée, les banques italiennes restent fortement exposées à la dette souveraine domestique qui représente environ 9% des actifs (en baisse par rapport au pic pandémique de 12%, et nettement au-dessus de la moyenne de la zone euro de 4%). Par ailleurs, le système bancaire est bien capitalisé (ratio CET1 de 16%), très liquide (ratio de financement stable net de 134%) et dispose d'un portefeuille d'actifs solide (ratio des prêts non performants de 3% au T3 2024). L'État, en revanche, est exposé au secteur privé par le biais de passifs contingents, qui s'élèvent à 16% du PIB, dont la grande majorité est liée à la Covid. Néanmoins, le risque souverain est fortement atténué par la volonté de la BCE d'acheter des obligations italiennes sous pression, à condition que le gouvernement respecte les conditions fiscales et de réforme convenues avec l'UE.
D’autre part, la modération des prix de l'énergie a récemment permis de rétablir l'excédent de la balance courante italienne depuis 2024 par le biais d’une augmentation de l’excédent des échanges de marchandises. L’excédent courant continuera sur cette tendance positive en 2025, mais devrait rester en deçà des niveaux antérieurs à la pandémie (moyenne 2015-2019 proche de 2,5% du PIB) en raison de la hausse des importations induite par une renaissance de la demande intérieure, des prix structurellement plus élevés de l’énergie et d’une demande extérieure encore fragile. Bien que l’Italie bénéficie d’un fort secteur touristique générant un excédent relativement stable, sa balance des services restera légèrement déficitaire.
Une stabilité politique qui se confirme
A la suite de la chute du gouvernement technocratique Draghi en juillet 2022, la coalition de droite a remporté une victoire confortable (43 % des voix, avec 237 sièges sur 400 à la Chambre des députés) lors des élections anticipées de septembre 2022. Le gouvernement est ainsi dirigé par Giorgia Meloni, dont le parti Fratelli d'Italia (FdI) est largement arrivé en tête avec 26 % des voix. Elle est rejointe par Forza Italia (8 % des voix) et Lega (9%). Après une longue période de volatilité politique caractérisée par une série de coalitions instables, Giorgia Meloni a su consolider un fort soutien des forces politiques conservatrices italiennes. La popularité de la présidente du Conseil sur la scène politique italienne s’est confirmée lors des élections européennes de juin 2024 où son parti est sorti en tête avec près de 29% des voix, suivi par le parti social-démocrate avec 24%. Face à une faible opposition des partis centristes et progressistes (Partido Democratico et Movimento Cinque Stelle), la coalition conservatrice dirigée par Meloni devrait exercer jusqu’à la fin de son mandat en 2027. De plus, la Première ministre devrait continuer à promouvoir l’adoption d’une réforme constitutionnelle permettant d’élire directement le chef du gouvernement, alors que le projet a déjà été adopté par le Sénat en juin 2024.
La forte dépendance à l'égard des fonds européens pour le financement des investissements incite fortement le gouvernement à se conformer à la conditionnalité de l'UE. Les efforts visant à améliorer l'environnement des entreprises par le biais de réformes structurelles, d'un assainissement budgétaire et d'investissements publics devraient donc se poursuivre. L’Italie devra accélérer la mise en œuvre de ces fonds au cours des deux prochaines années, si elle veut pleinement bénéficier des ressources qui lui ont été allouées jusqu’en 2026. A la fin de 2024, l’Italie avait perçu 122 milliards d'euros, soit 63 % du montant total des ressources européennes d’un montant total de 194,4 milliards d'euros. Néanmoins, si la difficulté des politiques à déployer les fonds se confirme, le retard accumulé se traduira par un stimulus économique moins important que prévu. Alors que l'Italie est l'État membre de l'UE qui a reçu le plus de fonds à la fin de 2024, elle est toujours en retard dans leur utilisation : en octobre 2024, moins de 50% des fonds déjà obtenus avait été dépensés. L'Italie figurait déjà parmi les derniers pays européens en termes de capacité d'absorption des fonds du programme de la politique de cohésion 2014-2020.
Les relations avec les autres membres de l'UE ont été plus collaboratives qu'initialement prévu, lors de l’arrivée au pouvoir de Giorgia Meloni. Un risque persistant et non négligeable de tensions concernant l'immigration et les questions fiscales subsistera. De l’autre côté de l’Atlantique, les relations plus étroites de Giorgia Meloni avec Donald Trump pourraient positionner la Présidente du Conseil italienne comme modératrice dans les prochaines négociations commerciales et politiques à fort enjeu pour l’Italie.