Normalisation de la croissance
Encore largement soutenue par la prépondérance du tourisme (10% du PIB et 38,4% des exportations en 2023), premier moteur de la demande intérieure, la croissance économique marque le pas en 2024, à un niveau confortable, pour renouer avec les standards prépandémiques. Une tendance amenée à se poursuivre en 2025 sous l’effet du ralentissement attendu de la demande extérieure, notamment européenne et sud-africaine, partiellement compensé par la vitalité du secteur de la construction – à l’image des projets de développement des infrastructures de transport (prolongement du Métro Express, modernisation du réseau routier, des installations portuaires, etc.) et de l’immobilier touristique (hôtels, villas, etc.) – mais aussi des services financiers. Ces deux secteurs concentrent, à eux deux, la majorité des investissements, à dominance privée (17,1% du PIB en 2023) face à des financements publics confrontés à un espace budgétaire restreint. Le dynamisme de quelques industries exportatrices clés comme le textile (9,7% des exportations en 2023), la pêche (8,1%) et le sucre (5,3%) profiteront également au développement économique. Après le pic inflationniste de 2022, consécutif à la flambée des cours mondiaux des produits agricoles et énergétiques, essentiellement importés, la hausse des prix ralentit, accompagnée par la politique monétaire prudente de la Banque de Maurice dont le taux directeur – ramené de 4,5% à 4% en septembre 2024 – devrait s’assouplir plus encore en 2025, dans le sillage des décisions de la Fed et de la BCE.
Le tourisme, le recul de l’inflation et la baisse du taux de chômage (de 3 points de pourcentage entre 2020 et 2023, à 6,3%) soutiennent la consommation privée (68% du PIB en 2023) alors que le gouvernement compte également maintenir sa politique de protection du pouvoir d’achat des ménages via la subvention de certains produits de base. Il reste que Maurice manque cruellement de main-d’œuvre qualifiée pour faire tourner l’économie à son plein potentiel, ce qui nuit également à la compétitivité de ses exportations.
Contretemps pour les comptes publics et progrès sur la balance courante
En net progrès depuis la crise sanitaire, l’entreprise de consolidation budgétaire devrait piétiner sur l’année fiscale 2024/2025, pour cause d’élection, avant de reprendre son cours. Le prolongement des subventions sur quelques produits essentiels importés (blé, riz, gaz à usage domestique, etc.) et des exemptions de TVA sur certains biens de consommation retardera l’assainissement des dépenses publiques. À l’inverse, la modération des dépenses d’investissement – essentiellement dirigées vers le logement, l’indépendance énergétique et l’adaptation au changement climatique – ou encore les recettes tirées de la croissance économique permettront de limiter les dégâts. Attendu en légère hausse, le déficit public devrait être majoritairement financé par des emprunts intérieurs, en adéquation avec la politique de maîtrise d’exposition au risque de change. La dette publique en pourcentage du PIB, dont moins d’un quart est externe, devrait stagner en conséquence.
Le compte courant affiche toujours un déficit structurel, conséquence d’un lourd déficit commercial (25 % du PIB en 2023) lui-même résultat d’une dépendance importante aux approvisionnements extérieurs (pétrole, véhicules, céréales, etc.) que renforce l’insularité du pays. Toutefois, la baisse des prix des commodités, censée se poursuivre en 2025, et la croissance soutenue des exportations vers l’Europe et l’Asie – facilitées par la signature de traités de libre-échange avec l’Inde et la Chine en 2021 – devraient contribuer à réduire le déséquilibre. En outre, les bonnes performances du secteur touristique et des services financiers permettront de restreindre le déficit courant en 2025. En effet, le retrait de Maurice des listes noires des paradis fiscaux en 2021 stimule les flux entrants d’IDE – principalement à destination de l’immobilier – qui alimentent les réserves de change de l’île, stables et équivalentes à 11,8 mois d’importations en mai 2024. Par ailleurs, les sociétés offshore (global business), séduites par une fiscalité avantageuse (taux d’imposition unique de 15 % et accords de non-double imposition avec de nombreux pays) qui fait de l’archipel le « Luxembourg de l’Afrique », facilitent le financement du déséquilibre courant.
Alternance démocratique
En fonction depuis 2017, l’ancien Premier ministre, Pravind Jugnauth, et ses alliés ont subi un revers retentissant lors des législatives d’octobre 2024, au terme d’une campagne entachée par un scandale d’écoutes téléphoniques à grande échelle. Prompt à reconnaître sa défaite, Jugnauth a cédé sa place à Navin Ramgoolam, un poste que ce dernier avait déjà occupé par deux fois dans le passé, et son Alliance du Changement, forte de 60 sièges sur 70 au Parlement. L’alternance et la transition pacifique qui ont suivi les élections démontrent, une fois de plus, la bonne santé d’une des rares et véritables démocraties d’Afrique.
À l’international, Maurice continue d’entretenir des liens solides avec la France, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud, ses principaux partenaires économiques. Des relations d’autant plus étroites que deux accords de libre-échange, entrés en vigueur en 2021 avec la Chine et l’Inde, contribuent logiquement à doper les échanges entre Maurice et les deux grandes puissances asiatiques. Le principal défi reste l’adaptation au changement climatique pour le petit archipel de l’Océan Indien qui vise le statut de pays à haut revenu d’ici les dix prochaines années.
En octobre 2024 s’est également tournée une des ultimes pages de l’histoire coloniale britannique, avec la cession par le Royaume-Uni des îles Chagos, un archipel isolé du nord de l’océan Indien. Maurice réclamait la souveraineté sur ce groupe d’atolls depuis son indépendance en 1968. En échange, Maurice autorise Londres à exercer ses droits souverains sur le principal atoll des Chagos, Diego Garcia, qui abrite une base militaire conjointe avec les États-Unis, moyennant loyer, pour une période initiale de 99 ans.