Une économie frappée par la sècheresse et l’hyperinflation
Rudoyée par l’incertitude chronique qui handicape la consommation et l’investissement privés depuis plusieurs années au Zimbabwe, la croissance économique sera plus faible en 2024, à cause d’une production agricole (environ 10 % du PIB pour plus de 60 % des emplois) plombée par les conséquences dramatiques du phénomène climatique El Niño. Toutefois, de meilleures récoltes, le dynamisme (en demi-teinte) du secteur minier ainsi que la progression du tourisme, devraient contribuer au rebond de la croissance en 2025. Si la chute des cours du nickel (32,3 % des exportations en 2022) amputera les revenus d’exportation de produits miniers – principale porte d’entrée de devises étrangères –, les prix durablement élevés de l’or (30,3 %) compenseront les pertes, tandis que foisonnent les projets d’exploitation de lithium, dont le pays dispose des plus grandes réserves d’Afrique. En décembre 2022, le Zimbabwe a d’ailleurs suspendu ses exportations du minerai sous sa forme brute, dans le but d’encourager le développement d’une filière de transformation locale et d’attirer des investisseurs étrangers, presque exclusivement chinois. Une décision à l’origine de la signature d’un accord de 310 millions de dollars en juin 2024 pour la construction d’un concentrateur de lithium (consortium sino-britannique), opérationnel début 2026. Néanmoins, la stratégie du pays se heurte à un environnement des affaires dégradé et, plus encore, à des coupures d’électricité récurrentes, qui coûteraient jusqu’à 6 % du PIB chaque année, malgré l’extension des capacités de la centrale thermique Hwange en 2023 pour compenser la baisse de la production hydroélectrique causée par la sècheresse. Les dépenses publiques de modernisation des infrastructures, en particulier du réseau routier, participeront également à soutenir l’expansion du secteur de la construction, même si le profond désintérêt des créanciers extérieurs, rebutés par une dette insoutenable, restreignent assez largement les perspectives de croissance à long terme, en-deçà de l’objectif de 5 % par an.
Plusieurs épisodes d’hyperinflation provoqués par une dépréciation fulgurante de sa devise (cours officiel) ont éprouvé l’économie du pays au cours des dernières années. Le dernier en date, d’environ 70 % sur les trois premiers mois de 2024, a contraint la Reserve Bank of Zimbabwe (RBZ) à remplacer, le 5 avril 2024, après moins de cinq ans d’existence, l’ancien dollar zimbabwéen par une nouvelle devise adossée au dollar américain et garantie par les réserves minérales du pays, le Zimbabwe Gold (ZiG). Si le taux de change du ZiG demeure à peu près stable depuis son introduction et que la hausse des prix semble se modérer, les pressions inflationnistes subsistent – parmi lesquelles la sècheresse, à l’origine d’une grave pénurie de denrées alimentaires, ou les hausses de taxes domestiques – et continueront de peser sur la consommation des ménages, leur baisse de pouvoir d’achat n’étant que très partiellement compensée par des hausses de rémunérations.
Accès fortement restreint aux financements extérieurs
La situation budgétaire devrait continuer de se dégrader en 2025, comme en 2024. En cause, les dépenses supplémentaires d’urgence pour répondre à la crise agricole (essentiellement des importations de denrées alimentaires), les investissements élevés pour la modernisation des infrastructures du pays et la hausse des salaires des fonctionnaires (près de 45 % des dépenses de l’État en 2024) pour tenter de répondre à l’hyperinflation. Dans le même temps, les récentes mesures fiscales (hausse des impôts sur les sociétés et sur les exportations de lithium, introduction de taxes sur les plus-values minières et sur le sucre, etc.), dont certaines ne sont en fait pas appliquées – décrédibilisant le budget –, ne compenseront pas complètement la progression des dépenses. Le déséquilibre restera néanmoins mesuré, en raison de la difficulté à le financer autrement que par recours à l’emprunt auprès de banques locales et de quelques rares partenaires étrangers (bilatéraux ou banques commerciales), en majorité chinois, depuis que l’État s’est engagé à ne plus monétiser le déficit public.
Après deux décennies de suspension du service de la dette, le Zimbabwe reprend depuis 2021 les remboursements – encore symboliques – auprès de ses créditeurs extérieurs. Néanmoins, les négociations autour de l’apurement de ses arriérés et d’une restructuration progressent lentement, restreignant tout soutien financier international significatif. En conséquence, la dette publique – dont environ 70 % détenu par des partenaires étrangers – pèsera encore un peu plus dans le PIB en 2024, avant de s’alléger en 2025, grâce au rebond de la croissance. Le Zimbabwe prévoit d’adopter, en gage de bonne foi, un programme de référence du FMI au cours du second semestre 2024, qui assurera, de manière informelle, le suivi de son programme économique.
Affaibli par des besoins d’importations accrus, en lien avec la sècheresse qui frappe durement le secteur agricole ainsi que les exigences en biens d’équipements pour la modernisation des infrastructures de transport du pays, le déficit commercial devrait se détériorer en 2024. Une tendance aggravée par la croissance moins soutenue des exportations, essentiellement minières. Un phénomène qui devrait toutefois s’inverser en 2025. En parallèle, les importations de service ainsi que les rapatriements de dividendes des entreprises étrangères, liés à l’exploitation minière, continueront de peser sur la période. Ces postes seront plus que compensés par les envois de fonds croissants des travailleurs immigrés, principal moteur de l’excédent modéré de la balance courante. Néanmoins, la position extérieure du Zimbabwe restera fragile en raison des entrées limitées et des sorties clandestines de capitaux. Ainsi, les IDE, déjà particulièrement faibles et concentrés dans le secteur minier, sont prévus à la baisse en 2024/2025.
Élections controversées sur fond d’isolement international
Porté au pouvoir en novembre 2017 après une période de « transition assistée par l’armée », qui avait forcé Robert Mugabe à la démission après plus de 30 ans à la tête du pays, le président Emmerson Mnangagwa est réélu en 2023 pour un second mandat. Au même moment, le parti présidentiel (ZANU-PF), aux commandes du pays depuis son indépendance en 1980, remportait les législatives et s’assurait une majorité au Parlement. Les élections furent néanmoins entachées par de multiples irrégularités, dénoncées par l’opposition, tandis que les observateurs internationaux ont pointé leur manque de transparence. Le mécontentement de la population, exacerbé par l’hyperinflation, l’insécurité alimentaire, la dégradation des conditions de vie, la progression de la prévalence de la pauvreté (dont le taux est passé de 21,6% en 2011 à 39,8% en 2019) et le non-respect des libertés civiles, reste pourtant contenu par les forces de sécurité, conduites d’une main de fer par le gouvernement.
Un temps perturbée par les troubles post-électoraux, la stratégie de réengagement international du pays, ainsi que les négociations autour de la restructuration de sa dette, reprennent timidement. Les relations avec l’Occident demeurent tendues, l’Europe et les États-Unis appliquant des sanctions économiques à l’encontre de plusieurs hauts dirigeants du Zimbabwe, dont le président Mnangagwa lui-même, accusés de corruption et de violations des droits de l’homme. Dans ce contexte, la Chine reste un allié économique de taille, assurant la quasi-totalité des investissements étrangers, en particulier dans le secteur minier, alors que l’Afrique du Sud s’inscrit comme le principal partenaire commercial du pays, qui ne dispose d’aucun accès à la mer. À l’échelle régionale, la mauvaise réputation du régime n’a pas empêché le Zimbabwe de prendre la présidence tournante de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) en août 2024 pour une durée d’un an.