La vitalité économique de 2024 se modèrera en 2025
La croissance restera solide en 2024, avant de se modérer en 2025, bien que les données économiques du Bélarus sont peu disponibles et manquent de fiabilité. En 2024, la consommation, principal poste du PIB (73% du PIB en 2023), notamment celle des ménages (près de la moitié), a été soutenue par l’augmentation importante des salaires réels (13,3% de janvier à juillet 2024 en glissement annuel, après 11% en 2023), particulièrement dans le secteur public qui reste largement dominant. En 2025, la consommation des ménages devrait se modérer, dans la mesure où les salaires nominaux croîtraient moins. La formation brute de capital fixe (24% en 2023) devrait rester stable. La majorité des investissements en capital fixe continueront d’être opérés par le secteur privé qui inclut les entreprises publiques détenues à moins de 50% par l’Etat (52% en 2023), suivi de près par le public (42%), le reste provenant d’investissements directs étrangers (essentiellement de Russie). La répartition entre public et privé restera relativement stable, tandis que la part des IDE poursuivra sa chute (4,5% en 2023, contre 9,2% en 2019). Les échanges commerciaux contribueront négativement à la croissance, à la fois, en raison d’une moindre demande de la Russie (de loin, le principal partenaire commercial) et du maintien des sanctions de l’Union Européenne, auparavant second partenaire commercial du pays. (20% du commerce de marchandises en 2021).
L’inflation restera relativement stable, ce qui s’explique par la poursuite du contrôle des prix mené par le gouvernement depuis octobre 2022 à l’encontre des fabricants, importateurs et revendeurs. Selon ce mécanisme, les producteurs industriels ne sont autorisés à augmenter leurs prix qu’en cas de justification économique et après validation par une autorité supérieure. Les importateurs et revendeurs subissent, quant à eux, une limite de leurs marges. Nonobstant, l’inflation reste élevée du fait des restrictions à l’importation et des goulots d’étranglement dans la production locale. La Banque nationale de la République du Belarus (NBRB) maintient son taux d’intérêt directeur à 9,5% depuis juin 2023. Elle souhaite réduire la dollarisation (48% des dépôts bancaires et 24% des crédits étaient en devises étrangères à fin juillet 2024), en augmentant les réserves obligatoires en devises des banques. Cette opération s’avère difficile, étant donné le risque associé au rouble biélorusse et la réticence des banques à détenir cette devise.
Des comptes extérieurs et publics influencés par la Russie et les sanctions
Le compte courant devrait légèrement s'améliorer en 2024, avant de se dégrader à nouveau en 2025, en raison de la faiblesse du rouble biélorusse, reflet de celle du rouble russe, qui pèse sur les échanges commerciaux avec la Russie. Face aux sanctions de l’UE et des Etats-Unis, le commerce du Belarus a été réorienté, notamment vers la Russie, auparavant déjà le principal partenaire. Aussi, une dégradation de l’économie russe pourrait creuser le déficit commercial du Belarus. Si la balance des services devrait rester excédentaire, elle est sous la menace d’une interdiction du commerce de transit, notamment ferroviaire entre la Chine et l’Europe. Le pays souffre également des sanctions de l’UE, notamment de l’interdiction pour les transporteurs routiers bélarusses de pénétrer sur le territoire de l’UE et de celles sur les services liés aux technologies de l’information. En effet, ces deux secteurs représentaient deux tiers de la balance des services (respectivement 43% et 29% en 2021), et l’UE était la principale partenaire commerciale du Belarus pour les services (31% en 2021). A cela s’ajoute l’effet du départ à l’étranger des employés du secteur IT (estimé à 50% depuis 2022), phénomène qui devrait se poursuivre. Le solde des revenus primaires contribuera négativement à la balance courante en raison de la baisse des revenus des travailleurs frontaliers, compte tenu de la dégradation des relations avec les pays voisins, notamment la Pologne. Les moindres remises d’expatriés, notamment en provenance de Russie, aussi.
Le Belarus, avec l’aide de la Russie, a adopté un plan de substitution aux importations d’origine occidentale, afin de pallier les problèmes d’approvisionnement découlant des sanctions, en stimulant la production domestique. La Russie apporte son aide sous forme de prêts souverains à des taux inférieurs à l'inflation, avec un financement initial de 1,7 milliards de US$ approuvé en septembre 2022. De nouvelles négociations bilatérales sont en cours, le Belarus cherchant à obtenir des fonds supplémentaires pour ce programme. À ce jour, 20 projets sont en cours de réalisation, tandis que 7 autres sont encore en phase de négociation. En 2024, le projet d’un marché de l’énergie commun a été adopté, qui pourrait entrer en vigueur en janvier 2025. Le Belarus devrait avoir l’opportunité d’exporter un surplus d’électricité vers la Russie.
Le gouvernement prévoit une réduction du déficit budgétaire en 2024, qui se poursuivra en 2025. Les recettes fiscales augmenteraient de 32%. Cette hausse découle de réformes fiscales entrées en vigueur en janvier 2024, notamment l'augmentation du taux d’imposition sur les bénéfices des sociétés à 25%, lorsqu’ils dépassent 25 millions de BYN (20% auparavant), ainsi qu'une taxe sur le revenu des particuliers portée à 25% pour les revenus supérieurs à 200 000 BYN, en remplacement du taux unique de 13%. Néanmoins, ces majorations fiscales ne suffiront pas à transformer le déficit en excédent budgétaire. Les dépenses seront alourdies par une augmentation des dépenses sociales de près de 14%. Les salaires du secteur public devraient croître de 14,7%, tandis qu'une hausse des prestations sociales et des pensions est également attendue. Les sommes consacrées à la la défense croitront aussi. Par ailleurs, l'inflation élevée et la baisse des revenus pétroliers pèseront lourdement : non seulement il est impossible d’exporter des produits raffinés vers l’UE, mais les exportations vers la Russie se font à moindre prix.
Régime inamovible et rôle controversé dans la guerre en Ukraine
La réélection en août 2020 du président Alexandre Loukachenko, au pouvoir depuis 1994, a déclenché d'importantes manifestations, les élections étant considérées comme non libres et le scrutin entaché de fraudes massives. La réaction violente du pouvoir contre les manifestants et les opposants politiques, l’orchestration d’une crise migratoire aux frontières avec la Pologne, la Lituanie et la Lettonie au moyen de migrants afghans, syriens et irakiens, ont conduit l'UE, les États-Unis, le Royaume-Uni et le Canada à imposer plusieurs séries de sanctions, les dernières, à date, remontant à août 2024, à l’encontre de 28 personnes supplémentaires, responsables de la répression interne et de violations des droits de l'homme en Biélorussie.
En plus des sanctions visant spécifiquement le régime, d’autres sont appliquées en réaction au soutien biélorusse à l’invasion de l’Ukraine par la Russie, puisque cette dernière a pu utiliser le territoire de l’autre pour lancer son offensive initiale. Ces sanctions touchent aussi des individus et plusieurs pans de l’économie, tel que le système bancaire (bannissement du système SWIFT de cinq banques bélarusses, prohibition des transactions avec la NBRB), et restreignent le commerce bilatéral. Suite à ces sanctions, le Belarus a renforcé ses liens commerciaux avec la Russie, mais aussi avec des pays d’Asie Centrale, notamment le Kirghizstan et le Kazakhstan, afin de les contourner. Le Belarus continue de soutenir son voisin russe dans sa guerre contre l’Ukraine. Bien que son armée ne combatte pas sur le territoire ukrainien, le Belarus est directement impliqué, que ce soit par son aide logistique ou le stationnement de soldats russes sur son territoire. Cependant, à la mi-février 2023, M. Loukachenko a déclaré, qu’il ne mobiliserait ses troupes qu’en cas d’attaque ukrainienne directe contre le peuple bélarusse. En août 2024, il a déclaré que la Russie et l’Ukraine devraient négocier une fin du conflit pour éviter qu’il ne s’étende au Belarus.
Les élections parlementaires de février 2024 ont confirmé le régime en place. Pour la première fois, les partisans du président Alexandre Loukachenko se sont présentés sous l’étiquette du parti Belaïa Rous’, auparavant une association de soutien, plutôt qu’en tant qu'indépendants comme lors des scrutins précédents. Le parti a remporté 51 des 110 sièges de la Chambre des représentants, les autres ayant été attribués à des partis et indépendants également favorables au pouvoir. Les élections municipales ont également favorisé le parti présidentiel (avec 3234 conseillers municipaux obtenus sur 12000). L’élection présidentielle prévue en 2025 devrait conduire à la réélection de Loukachenko, pour un septième mandat.