Une croissance robuste s’affirmant grâce à l’investissement et la consommation résiliente des ménages
Toujours plus performante que celle du reste de la zone euro en 2024 (prévisions Coface à 1%), l’économie grecque devrait continuer sur sa lancée en 2025. Son activité devrait en effet être soutenue par une demande domestique résiliente. D’une part, la consommation des ménages restera portée par la croissance des salaires réels et des pensions (jusqu’à 2,5%), appuyée par l’atténuation des tensions inflationnistes. En septembre 2024, le Premier ministre a annoncé une augmentation des salaires du secteur public et du salaire minimum (avec un objectif de 950€ en 2027) allant jusqu’à 5% en 2025. De plus, l'évolution du marché du travail conserve sa tendance positive avec une hausse de l’emploi, et un taux de chômage tombé en dessous de 10% au Q2 2024 pour la première fois depuis 2009 (même si cela reste élevé). D’autre part, l'investissement devrait s’accélérer, principalement grâce à la mise en œuvre des fonds européens, car, malgré des perspectives économiques mondiales incertaines, les opportunités demeurent attrayantes. La Facilité pour la reprise et la résilience de l'UE, allouant 36 milliards d’euros à la Grèce (19% de son PIB de 2019, faisant d’elle la plus grande bénéficiaire en termes relatifs), répartis équitablement entre subventions et prêts, garantira une demande soutenue pour des secteurs tels que la construction, les télécommunications et les énergies renouvelables, tout en générant des externalités positives qui renforceront la production potentielle. Avec la réception de son quatrième versement en juillet et octobre 2024 d’un montant de 2,3 et 1 milliards d’euros de prêts et de subventions respectivement, la Grèce a perçu 50% de ces fonds depuis 2020, l’autre moitié devant être versée durant les deux prochaines années. De même, les progrès significatifs réalisés dans les réformes structurelles (fiscalité, flexibilité du marché, allègement de la paperasserie et de la bureaucratie, et consolidation des bilans des entreprises) ont permis de stabiliser la confiance des investisseurs.
Par ailleurs, les exportations de biens (produits pétroliers, agricoles, pharmaceutiques), principalement à destination des partenaires européens (près de 60%), devraient retrouver de la vigueur grâce à la reprise progressive de la demande extérieure. Du côté des services, l’économie continuera de bénéficier de la robustesse du secteur touristique qui a battu des records historiques en 2024 (arrivées internationales 19% au-dessus du niveau prépandémique entre janvier et juillet) et devrait conserver une croissance positive en 2025. La Grèce a une exposition directe négligeable à l'énergie russe, et, en général au gaz naturel, qui ne représente que 21% de son mix énergétique primaire. Néanmoins, elle est très dépendante des importations de pétrole (54% du bouquet énergétique) et des produits manufacturés étrangers en raison de la faible diversification de son industrie. Une escalade des conflits au Proche-Orient et en Ukraine pourrait générer une hausse du prix de l’énergie qui se répercuterait sur le portefeuille des ménages grecs.
Enfin, la Grèce est un leader mondial dans le domaine du transbordement et, à mesure que les chaînes d'approvisionnement se régionalisent, le rôle de la Méditerranée orientale en tant que plaque tournante du commerce régional est appelé à s'intensifier. Toutefois, la persistance des tensions en mer Rouge détournant les navires par le Cap de Bonne-Espérance pourrait peser sur le transport maritime grec qui connaît déjà une réduction du trafic de conteneurs (-10% durant les neufs premiers mois de 2024 par rapport à 2023 dans le Pirée, son port le plus important).
Poursuite du redressement des comptes publics, mais les déséquilibres extérieurs restent importants
Bien que le taux d’endettement grec reste le plus élevé de l’Union Européenne, il conserve une trajectoire descendante avec des risques de financement limités sur le moyen terme. En effet, la structure favorable de la dette (majorité détenue par des créanciers publics, à taux fixes bas et à longues échéances) a permis d’atténuer l’impact du resserrement monétaire de ces dernières années et de réduire les écarts de rendement avec les autres obligations souveraines. A la fin de l’année 2023, trois des quatre principales agences de notation ont relevé la note de crédit grecque au niveau « investissement », la sortant de la catégorie « spéculative », une première depuis 2010. En outre, le pays affiche un excédent primaire (c-à-d. hors intérêts) qui devrait s’accroître pour excéder 2% du PIB dès 2024, malgré le reflux de l’inflation, en raison d’une modération des dépenses courantes (notamment suite au retrait des mesures de soutien énergétique), et de la croissance des recettes fiscales soutenue par l’essor de l’activité. Dans le même temps, la réserve de liquidités de l'État est estimée à 16% du PIB. Le gouvernement envisage ainsi un remboursement anticipé de 8 milliards d’euros de prêts du Mécanisme européen de stabilité à la fin de 2024. La diminution du besoin de financement (inférieur à 10% du PIB en 2024, contre 19% en 2022) et le faible risque de refinancement atténuent le risque de liquidité. Par ailleurs, le système bancaire est proche de la fin d'un long processus de guérison des cicatrices laissées par la crise de l'euro. Le ratio des prêts non performants (NPL), qui atteignait 30% fin 2020, devrait s’approcher de 5% en 2024, se dirigeant progressivement vers la moyenne européenne de 2%.
Le déficit de la balance courante devrait continuer à se réduire graduellement, mais restera important à cause d’un d’investissement plus soutenu (tant d’origine publique que les investissements directs de l’étranger) qui induira un surcroit d’importations. En effet, le dynamisme de la demande domestique, tant en termes de consommation que d’investissement, entretiendra le déficit commercial (15% du PIB en 2023) en raison de la dépendance du pays aux importations de produits manufacturés. Toutefois, la réduction bien avancée de la facture des importations de matières premières, la reprise progressive des économies européennes, ainsi que les gains de compétitivité accumulés au cours de la dernière décennie devraient participer à l’amélioration de la balance commerciale. D’autre part, le pays bénéficie d’un excédent de la balance des services (près de 10% du PIB en 2023) tiré par l’augmentation des recettes touristiques (6% de plus qu’en 2023 durant les 7 premiers mois de 2024), mais minoré par l’impact des perturbations du trafic en mer Rouge sur les activités de transport maritime.
Stabilité politique et apaisement des relations avec la Turquie
Le Premier ministre Kyriakos Mitsotakis s'est assuré d’un second mandat et d’une majorité confortable lors des élections de juin 2023. En effet, son parti de centre-droit et libéral Nouvelle Démocratie (ND) est sorti vainqueur avec 40,6% des voix et 158 sièges sur 300 au Parlement, grâce aux 50 sièges supplémentaires accordés à la majorité. Les partis d'opposition se sont retrouvés affaiblis et fragmentés, le parti de gauche Syriza obtenant le résultat le plus bas pour le principal parti d'opposition dans la démocratie grecque moderne (17,8% des voix). Bien que la ND n’ait pas obtenu les résultats escomptés, sa domination sur la scène politique grecque s’est confirmée lors des élections européennes en juin 2024 avec plus de 13% d’avance sur son principal opposant Syriza. Face à cette faible opposition, le gouvernement pourra donc poursuivre la mise en œuvre du programme de réformes et de modernisation soutenu par l'UE (électrification du parc automobile, numérisation des services publics, amélioration de la qualification de la main-d'œuvre, efficacité énergétique des logements). L'accident ferroviaire de Tempi, en 2023, et les méga-incendies successifs ont fait de l’amélioration des infrastructures et de la gestion de la protection civile deux de ses priorités. De plus, le gouvernement devrait mettre l’accent sur l’amélioration du niveau de vie de la population pour répondre aux préoccupations des citoyens.
Sur le plan géopolitique, de nouvelles initiatives diplomatiques sont en cours pour apaiser les tensions avec la Turquie. Les négociations concernent des différends territoriaux de longue date en mer Égée et en Méditerranée orientale qui regorgent de ressources énergétiques inexploitées. La deuxième phase de ces négociations devrait se poursuivre avec la réunion du Conseil supérieur de coopération gréco-turc qui devrait avoir lieu en début d’année 2025. Après la réponse humanitaire rapide de la Grèce au tremblement de terre de février 2023 en Turquie, qui avait permis de rétablir les relations entre les deux pays, la Turquie a aussi offert son assistance à la Grèce pour lutter contre les incendies dévastateurs durant l’été 2024. Cette volonté de coopération s’était déjà affirmée en décembre 2023 avec la visite du président turc à Athènes qui s’était conclue avec la signature d’accords bilatéraux dans de nombreux domaines ; notamment touristique (étendue des visas touristiques turcs), économique (volonté de doubler leurs échanges commerciaux à 10 milliards de dollars) et migratoire. L'appartenance commune à l'OTAN et les relations plus chaleureuses avec les États-Unis, de part et d'autre, limitent les risques de conflit. Bien que le dialogue s’améliore, des tensions subsistent quant à la revendication réitérée de la Turquie d’une dissociation de la République turque de Chypre du Nord de la République de Chypre, seule reconnue par la communauté internationale. De plus, le conflit au Moyen-Orient pourrait remettre en cause le rapprochement, étant données les positions divergentes.