De belles perspectives tributaires des précipitations
L’accélération de la croissance en 2025 dépendra de la performance du secteur agricole, qui représente 11 % du PIB et 30 % de l’emploi marocain. Depuis trois ans, la sécheresse pèse sur les récoltes, et pourrait se prolonger en raison d’un déficit hydrique toujours élevé pour la saison 2024/2025. A l’inverse, une amélioration des précipitations favoriserait l’emploi, les exportations et la croissance. La pêche (2 % du PIB et 7 % des exportations totales) devrait rester résiliente malgré l'annulation de l’accord avec l’UE par la Cour de justice de l'Union européenne.
Par ailleurs, l’économie pourra toujours compter sur les autres secteurs, en particulier les services, avec le tourisme toujours en pleine expansion. En 2024, les recettes touristiques ont progressé de 7,5 %, soutenues par une hausse de 20 % des arrivées. Le secteur manufacturier sera encore porteur, via ses exportations à plus forte valeur ajoutée, dans l’automobile, l’aéronautique et le textile. Le phosphate et les engrais se développeront encore avec l’expansion de la part marocaine du marché mondial de phosphate, le pays détenant 70 % des réserves mondiales.
De plus, les investissements privés et publics dans les énergies renouvelables, notamment l’hydrogène vert, l’éolien et le solaire, conserveront leur dynamisme. L’Etat souhaite développer le réseau électrique, et prévoit la mobilisation de 18,2 milliards de dirhams (1,8 milliard d’euros) dans la Loi de finances 2025, pour renforcer sa souveraineté énergétique. Ses dépenses seront également dirigées vers les infrastructures hydrauliques (usines de désalinisation et barrages) et de transport. En effet, en vue de la Coupe du Monde de football de 2030, le pays a débloqué une enveloppe de 9 milliards d’euros pour moderniser et étendre ses infrastructures routières, dont 2,8 milliards ont déjà été dépensés pour l’achat de 168 trains neufs en février 2025. La reconstruction post-séisme, ayant touché le versant nord du Haut-Atlas en septembre 2023, soutiendra également la croissance. La demande des ménages restera robuste puisque leur pouvoir d’achat sera soutenu par les aides sociales et la hausse des rémunérations pour l’ensemble des agents du public et des ouvriers agricoles, ainsi que du SMIC. La consommation sera aussi soutenue par les envois de fonds de la Diaspora (8 % du PIB en 2023) et par la faible inflation. Celle-ci augmentera tout de même légèrement avec la hausse des salaires publics et le dynamisme de la demande.
Le développement social au cœur de la politique budgétaire
En 2024, le déficit budgétaire a diminué grâce aux réformes de l’imposition qui ont élargi l’assiette fiscale et accru les recettes. Le déficit s’est ainsi rapproché de la cible fixée à 3% par le gouvernement à l’horizon 2026. Toutefois, cette tendance ne devrait pas se poursuivre en 2025, en raison d’importantes dépenses dans les infrastructures et le domaine social. De nouvelles réductions d’impôt pour les ménages à revenus faibles et moyens sont prévues, tandis qu’en juillet, la deuxième phase de l’augmentation de 50 % du salaire mensuel minimum du secteur public entrera en vigueur. Cette revalorisation contribuera à une hausse de 11,5 % des dépenses de personnel. Par ailleurs, face à la hausse du coût de la vie et aux difficultés du secteur agricole, le gouvernement maintiendra plusieurs subventions, à l’exception de celle sur le butane, dont la suppression progressive a débuté en mai 2024. Concernant l’agriculture, des subventions sur les semences ont été distribuées pour la saison 2024/2025, tandis que des exonérations temporaires de TVA s’appliqueront en 2025 sur l’importation de certains animaux vivants et produits agricoles. Ainsi, dans le cadre de la Loi de finances 2025, le gouvernement marocain a prévu d’allouer 14,2 milliards de dirhams au secteur (environ 1,37 milliard d’euros), soit une hausse de 4 %. Un autre poste de dépense majeur concerne la reconstruction post séisme, dont le plan est budgété à 11 milliards d’euros, soit 8,5 % du PIB, sur cinq ans. Il est financé sur le budget, une contribution de deux milliards de dirhams (193 millions d’euros) du Fonds Hassan II pour le développement économique et social, ainsi que par l’aide internationale (fonds de solidarité, prêts et dons multilatéraux). Enfin, jusqu’en avril 2025, le Maroc a pu s’appuyer sur la ligne de crédit flexible de 5 milliards de dollars accordée par le FMI en avril 2023. La ligne est utilisée comme couverture afin de mobiliser des financements, aucun tirage n’a été effectué pour le moment, le pays espère donc son renouvellement. Ainsi, avec la stabilisation du déficit public et une croissance légèrement plus dynamique, le ratio d’endettement public devrait progressivement se réduire. La dette extérieure représente un peu moins de la moitié de la dette totale.
L’important déficit commercial marocain sera alimenté par la croissance des importations liées aux projets d’infrastructures, à la reconstruction et à la robustesse de la demande intérieure. La volatilité de la production céréalière pourrait augmenter la facture d’importations en cas de faibles récoltes. Les exportations seront toujours soutenues par le phosphate et ses dérivés, l’automobile, l’aéronautique, le textile, et le cuir. L’ouverture du second terminal du port de Tanger permettra de réduire les coûts commerciaux et logistiques. Du côté des services, l’excédent est nourri par les recettes touristiques qui seront attisées par l’accueil de la Coupe d’Afrique des Nations. Les envois de fonds des travailleurs depuis l’Union européenne et les pays du Golfe alimenteront l’excédent des revenus secondaires. Le déficit courant modéré sera financé par des emprunts extérieurs et des entrées nettes d’IDE, celles-ci ayant augmenté de plus de 50 % en 2024, et représentant environ 1,3% du PIB. Les réserves, stables, couvriront 5,5 mois d’importations.
Stabilité politique et confrontation avec l’Algérie
Le Premier ministre Aziz Akhannouch, au pouvoir depuis 2021, dirige le Rassemblement National des indépendants (RNI), parti majoritaire d’une coalition de centre-droit. La prochaine élection concernant la Chambre des Représentants, chambre basse du parlement, est prévue en septembre 2026. Le pays est politiquement stable, malgré un certain mécontentement populaire lié au taux de chômage élevé (13,3 %) et au coût de la vie renchéri par des épisodes récurrents de sécheresse qui affectent les récoltes.
Des manifestations ont aussi eu lieu pour dénoncer le partenariat avec Israël, accentuées par la guerre à Gaza. Sous l’influence des Etats-Unis, qui reconnaissaient la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental, les deux pays avaient rétabli des relations diplomatiques officielles en décembre 2020. Dans le cadre de leur partenariat sécuritaire, le Maroc a signé, en février 2025, un contrat pour la livraison de systèmes d’artillerie auprès du fabricant israélien Elbit Systems. Les tensions avec l’Algérie, soutien du Front Polisario qui contrôle un tiers du Sahara occidental, persisteront, alors que Maroc et Mauritanie ont annoncé l’ouverture, en 2025, d’un nouveau poste-frontière terrestre. Celui-ci permettra aux pays du Sahel de bénéficier d’un nouvel accès vers l’Atlantique. Côté européen, l’Espagne puis la France ont approuvé le plan d’autonomie marocain pour le territoire respectivement en 2022 et 2024. Leurs décisions s’inscrivent dans le contexte des mouvements migratoires vers l’Europe, le Maroc constituant une tête de pont pour les migrants africains. En 2023, l’UE a d’ailleurs relevé à 624 millions d’euros son programme de partenariat avec le Maroc, destiné au financement du contrôle des frontières et de projets d’énergie verte. Toutefois, les relations avec l’Union européenne dans son ensemble resteront crispées au sujet de la liberté de la presse, de la corruption et du Sahara occidental. En octobre 2024, la Cour de justice de l’Union européenne a invalidé les accords de pêche et d’agriculture conclus entre l’UE et le Maroc en 2019, estimant que les Sahraouis n’avait pas été consultés de manière adéquate.