Ralentissement de la croissance économique sous les effets du resserrement monétaire de la BCE
En 2022, la reprise économique post pandémie s’était raffermie, permettant au PIB de dépasser dès le début de l’année son niveau d’avant crise. La confirmation du rebond du secteur du tourisme et de la consommation privée en 2023 permettra au pays d’afficher une croissance économique nettement supérieure à celle de ses pairs européens (autour de 1% en moyenne dans la zone euro). Si celle-ci devrait rester solide 2024, elle ralentira sous l’effet de l’essoufflement des principaux moteurs de ce rebond. En effet, la consommation privée – jusqu’ici portée par la vigueur du marché du travail et la demande refoulée pendant la pandémie – souffrira du niveau toujours élevé de l’inflation et de son impact négatif sur le pouvoir d’achat des consommateurs. De plus, les ménages portugais sont particulièrement affectés par la hausse des taux d’intérêts puisque près de 90% du stock des prêts hypothécaires - qui représentent plus des trois quarts de leur endettement - y sont à taux variable. L’investissement privé pâtira, lui aussi, de la détérioration des conditions de financement, tandis que la Banque centrale européenne (BCE) ne devrait pas commencer à abaisser à nouveau ses taux avant le second semestre 2024. En effet, si l’inflation a suivi une trajectoire descendante au premier semestre 2023 au Portugal comme dans le reste de la zone euro, ce ralentissement était essentiellement imputable aux prix de l’énergie, alors que l’inflation sous-jacente (hors énergie et aliments) a continué de progresser. Par ailleurs, après avoir ralenti en 2023, les exportations portugaises ne rebondiront que légèrement en 2024, du fait d’une conjoncture régionale toujours atone.
Malgré ces multiples vents contraires, l’activité continuera d’être tirée par le secteur du tourisme, dont le pays est fortement dépendant (17% du PIB et 50% des exportations de service en 2019). Toutefois, après une fulgurante reprise (+12% de touristes internationaux sur les 4 premiers mois de 2023 par rapport à 2019), l’activité devrait croître plus modérément en 2024. En outre, l’investissement public dans la transition énergétique, les infrastructures et la transformation digitale continuera de soutenir la croissance, dans la mesure où le pays est l’un des principaux bénéficiaires des fonds européens, avec 13,9 milliards d’euros de subventions au titre du Plan de relance et de résilience (RRP) - auxquelles s’ajoutent 2,7 milliards d’euros de prêts - pour la période 2021-2026. Si les fonds devraient être moins importants qu’en 2023 (année du pic des décaissements), ils devraient toutefois dépasser 3 milliards d’euros en 2024 (1,3% du PIB 2022).
Assainissement des comptes publics et extérieurs
Malgré l’important soutien budgétaire lié au coût de la vie, les finances publiques se sont considérablement améliorées en 2022, à la faveur d’une forte croissance du PIB nominal et d’une surperformance des recettes. Les finances publiques continueront de s’améliorer en 2023, grâce au retrait progressif des importantes mesures de soutien aux ménages, (0,8% du PIB en 2023, contre 2% en 2022). En 2024, le gouvernement devrait poursuivre sa stratégie de prudence budgétaire, et retirer intégralement les mesures de soutien. L’investissement public, qui restera dynamique dans le cadre du RRP, sera essentiellement financé à court terme par des subventions, de telle sorte qu’il aura un impact neutre sur le solde budgétaire. Le taux d’endettement public, repassé en dessous de son niveau d’avant-pandémie en 2022, restera sur une trajectoire nettement baissière à l’horizon 2024, grâce à l’amélioration du solde primaire et à la croissance du PIB nominal.
Après s’être détériorée en 2022 sous l’effet de la flambée des prix mondiaux des produits de base, la balance courante devrait redevenir excédentaire en 2023, avant de se stabiliser en 2024. Cette évolution sera permise par la réduction du déficit structurel de la balance des biens (-11% du PIB en 2022) qui, en dépit d’une demande extérieure peu dynamique, bénéficiera d’importations bien moins onéreuses qu’en 2022. L’excédent de la balance des services (9% du PIB en 2022) restera solide à l’horizon 2024, essentiellement alimenté par les revenus du tourisme. De même l’excédent de la balance des revenus se maintiendra (0,7%), les remises de la diaspora portugaise permettant de suppléer les dividendes rapatriés par les investisseurs étrangers. Enfin, l’excédent du compte de capital (2,4% du PIB projeté pour 2023) sera tiré par les importants financements que le Portugal recevra de l’Union européenne au cours des prochaines années.
Gouvernance stable du parti majoritaire du Premier ministre António Costa
Depuis les dernières élections législatives anticipées de janvier 2022, le Premier ministre, António Costa, bénéficie d’une stabilité politique inédite pour faire avancer les réformes, sans avoir à compter sur les votes de ses anciens partenaires de coalition : le Bloc de gauche (BE, extrême-gauche) et la Coalition Démocratique Unitaire (CDU, union des communistes et des écologistes). Le Parti socialiste (PS, centre-gauche) détient une majorité absolue au Parlement avec 117 sièges sur 230 (soit 9 sièges de plus qu’en 2019), tandis que le BE (5 sièges, -14 par rapport à 2019) et la CDU (6 sièges, -6) ont été les grands perdants de ces élections. De l’autre côté du spectre politique, si le principal parti d’opposition reste le PSD (centre-droite, 76 sièges), le parti d’extrême droite Chega est devenu la troisième force politique du pays en raflant 12 sièges, alors qu’il n’en possédait qu’un seul en 2019. Dans ce contexte, et malgré les démissions plusieurs ministres et secrétaires d’état en décembre 2022 suite à un scandale sur d’importantes indemnités perçues par la secrétaire d’État au Trésor, le risque d’instabilité politique reste modéré et António Costa devrait être en mesure de gouverner jusqu’aux prochaines élections législatives de 2026.